Allons faire valser leurs discours [Pv Robi]

Inutile de protester pour payer l'addition ! J’acquiesçai d'un signe de tête et regardai Maximilien sortir de table. Pendant ce temps, je réfléchis à un problème que je devais régler au plus vite : où allais-je passer la nuit ? Le jeune homme semblait accepter que je dorme à ses côtés, mais ne devrais-je pas plutôt rentrer chez moi ? Je faisais mine d'hésiter alors que ma décision était déjà toute prise. Cette nuit, je la passerai au côté de mon amant. Je me levai à mon tour et mis mon manteau sur mes épaules en attendant Maximilien. Quand il revint vers moi, je lui souris et nous quittâmes le restaurant avec les quelques autres clients fatigués. Les rues étaient peu éclairées et j'espérais ne pas tomber sur un soûlard ou un brigand souhaitant nous subtiliser notre bourse. En bref, plus vite nous rentrerions, moins je m’inquiéterai. Je tenais la main du député pour me rassurer et restais sur le qui vive. Heureusement, le trajet se déroula sans accroc.

Le café de Foy était encore bien rempli et éclairait une partie de la rue. Je jetai un regard amusé à l'intérieur mais nous arrivâmes rapidement chez Maximilien. En pénétrant dans la maison, je jetai un coup d’œil aux deux lanternes que je n'avais toujours pas rapatrié chez moi. Quand les lumières furent allumés, je souris à mon ami en demandant timidement :

- Puis-je dormir ... ici cette nuit ?

Je priais pour qu'il accepte ma proposition. D'abord, je ne voulais pas rentrer chez moi en pleine nuit, solution plus que déconseillée, et vouloir rester encore quelques heures avec mon amant. Je rassemblai mes affaires et les mis près des lanternes pour penser à les rependre le lendemain, mais attendais surtout avec impatience la réponse du jeune homme.

Ce fut avec soulagement et amusement que j'accueillis la réponse affirmative de Maximilien. "Les rues de Paris ne sont pas sécurisantes...", j'étais persuadée que ce n'était pas là la cause principale de cet accord. Je le suivis après dans la chambre et réfléchis quelques secondes à la question. Après un temps de réflexion, je répondis avec prudence :

- Oui, je vais me laver si ça ne te pose pas de problème. A tout de suite.

Je lui souris et déposai un baiser sur ses lèvres avant de me diriger lentement vers la pièce qu'il venait de m'indiquer. Je me déshabillai et profitai de ces quelques instants de calme dans le bain chaud. Au bout de quelques minutes, je sortis de l'eau bouillante et mis une tenue plus légère, comme me l'avait conseillé mon ami. Ensuite, je sortis de la pièce et rejoignis le député dans sa chambre, m'arrêtant quelques instants dans l'embrasure de la porte, regardant encore et toujours ce beau visage afin de m'assurer qu'il resta à jamais gravé dans mes pensées. J'hésitais à entrer, comme s'il s'agissait d'un sacrilège que de pénétrer dans la chambre de l'homme dont l'on était épris.

Je souris en entendant la question du jeune homme. Il était tellement drôle dans ses habits de nuits, c'était la première fois que je le voyais dans cet accoutrement, ce qui était normal d'un autre côté. Je me décidai à entrer dans la chambre et à m'asseoir sur le lit à côté de Maximilien.

- Evidemment, lui dis-je en lui déposant un baiser sur les lèvres.

J'avais peur de ne pas savoir dormir à vrai dire. Je n'avais pas vraiment l'habitude de dormir en compagnie d'une autre personne dans mon lit, pas depuis que j'étais arrivée en France en tout cas. Mais avant un ventre bien rempli et en compagnie de la personne à laquelle je tenais le plus, je ne devrais pas passer un moment trop désagréable. Et demain matin ? Je ne voulais pas me retrouver seul dans une maison que je ne connaissais pas, je ne me le serais pas permis. Alors, je dis avec un air malicieux et presque suppliant :

- Réveille-moi demain matin, que je puisse te dire au revoir.

Demain, je passerais ma première journée "seule" depuis que j'avais rencontré celui qui était devenu mon amant, et ce n'était pas le travail qui manquait. Pourtant, je n'étais pas sûre de pouvoir me concentrer sur les tâches que je réaliserais sans penser à Maximilien. Mais ça ... C'était demain ...

Je remarquai bien évidemment la grimace de mon ami lorsque je lui soumis mon souhait d'être réveillée le lendemain. Mais je ne reviendrais pas sur ma décision, je voulais absolument lui dire au revoir, quitté à dormir quelques heures en moins. Je souris lorsque Maximilien m'informa qu'il le ferait et le laissai m'attirer contre lui en riant doucement. Quel bonheur de me retrouver avec lui en ce moment. Je tournai la tête et l'embrassai encore, chaque nouveau baiser faisant parcourir en moi une faible décharge électrique. Mais presque à regret, je dis à mon prince charmant :

- Il faut se reposer, je ne tiens pas à ce que tu dormes demain devant le Roy.

La raison me rattrapait je ne voulais pas que mon ami pique du nez en plein milieu d'un discours demain aux États Généraux. Bien sur, je ne voulais pas le quitter, mais je tenais à profiter de ces quelques heures en sa compagnie avant que le devoir ne le rappelle.

Même à une heure aussi tardive, le jeune homme gardait les idées claires et il donnait l'impression qu'il pourrait partir combattre le Roy dès cet instant, à vingt trois heures. Je me blottis plus confortablement dans ses bras et fermai les yeux. Quelques secondes plus tard, le noir se fit dans la chambre et il ne me fallut pas cinq minutes pour m'endormir.

Cette nuit là, je fis un rêve magnifique, du moins au début. Maximilien était là évidemment, dans une ville que je ne connaissais pas, même si une intuition me disait que nous nous situions en Italie. Il faisait beau et chaud, j'étais dans les bras du jeune homme. Mais alors que tout semblait parfait, il se passa un acte propre aux rêves. Tout se brouilla autour de moi et la soleil s'éteignit. J'étais désormais seule dans une pièce vide et sombre, sans aucune issue. Derrière moi, des hommes armés apparurent et avancèrent vers moi sans que je puisse bouger. Puis le sol se déroba sous mes pieds, provoquant mon réveil. Il faisait encore nuit et je n'avais aucune idée de l'heure. Mais quand je sentis à nouveau la présence de Maximilien à mes côtés, je me détendis tout de suite. Je profitai de l'instant, esquissant un léger sourire. Quel bonheur ! Le reste de la nuit se déroula sans aucun autre cauchemar ni rêve, ainsi jusqu'à ce que les premiers rayons du soleil percent derrières les fenêtres.

Je sentis à peine le baiser qui m'effleura la joue, mais ce fut assez pour me réveiller du sommeil léger dans lequel je m'étais blottie depuis mon cauchemar. Je m'étirai et ouvris doucement les yeux. Derrière les rideaux, les premières lueurs de l'aube parvenaient à entrer dans la chambre pourtant encore plongée dans la pénombre. Maximilien n'était plus à mes côtés mais je le vis un peu plus loin dans la chambre à rassembler ses affaires. Je me redressai sur le lit et m'assis, le contemplant quelques instants avant de lui dire simplement, d'une vois encore à moitié endormie :

- Bonjour. Bien dormi ?

La réplique n'était pas très originale, mais mon esprit était encore trop embrumé pour pouvoir réfléchir normalement et sortir une phrase intelligente en cette heure matinale. Rapidement, je me levai et partis m'habiller à la salle de bain. Quelques minutes plus tard, après m'être coiffée et débarbouillée, je rejoignis enfin Maximilien dans la salle à manger où je l'aidai à préparer le petit déjeuner. Ce dernier se déroula dans le calme mais je me sentis tout de même obligée de lui conter le rêve que j'avais fait cette nuit :

- J'ai rêvé de nous cette nuit, nous étions à Venise. Y a-tu déjà été ? C'est une ville magnifique, mais pas autant que Florence. Bien que son carnaval y soit tout simplement fabuleux !

J'aimais parler de mon expérience en matière de voyages. Je considérais avoir visité bon nombre de pays et il me plaisait de raconter ce que j'y avais vu, qui j'y avais rencontré et d'autres anecdotes plus ou moins drôles selon le contexte. Quoi qu'il en soit, l'Italie me manquait. Pourtant, je me sentais d'avantage chez moi ici, à Paris, plutôt que sous le soleil de la Toscane.

Cela me faisait plaisir que le jeune homme s'intéressa ainsi à mes voyages. Je souris en entendant sa remarque et dis en croquant dans la tartine que j'avais préparée :

- Je t'y emmènerai ... quand tout ça sera terminé. Tu dois absolument voir ce pays !

J’enchaînai avec une description des villes, bâtiments et habitants italiens. Je lui décrivit le soleil, les rues, tout se qui me passait par l'esprit. Mais au bout de quelques minutes, je finis par me taire, consciente que je n'avais pas à monopoliser la conversation. Je rougis légèrement.

- Pardon, tu n'as déjà pas beaucoup de temps et je le passe à te parler de choses qui te passent au dessus de la tête ...

Un bref coup d'oeil à la pendule m'indiqua qu'il était déjà tard. Avec un soupire, je me résignai à dire :

- Tu vas être en retard, je vais bientôt partir également.

Cela m'étonnait que Maximilien s'intéressa à l'art, moi qui le trouvait plutôt terre à terre, je devais visiblement avoir tord. Florence, cette ville qui me manquait tant. Oui, je l'y emmènerais et nous irons tous les deux, quand le peuple aura repris ses droits et que les princes de sang seront hors d'état de nuire. J'aurais tellement souhaité continuer cette conversation ... Mais pourquoi diantre l'avais-je ainsi interrompue ? Mon sens du devoir me rattrapait au point de haïr ma personnalité. Je me levai et hochai la tête lorsqu'il me conseilla de ne pas oublier mes affaires. Les lanternes étaient sur le haut de ma liste. Je débarrassai la table avec l'aide de mon ami et l'embrassai lorsqu'il partit :

- Défend bien les droits des citoyens, mon beau révolutionnaire !

Je le regardai s'éloigner tout en pensant à ce que je devais faire aujourd'hui. Que de tâches plus ou moins importantes à faire, et si peu de temps. Au moins, je n'aurai pas l'occasion de m'ennuyer de Robespierre ni de regretter de ne pas l'avoir accompagné à Versailles. J'espérais simplement que tout irait bien pour lui et qu'il ne lui arrive une de ces mésaventures qui nous étaient arrivées ces derniers jours.

Quand Maximilien disparu au coin de la rue, il je me fallut que quelques secondes pour reprendre mes esprits. Comme il me l'avait indiqué, je repris mes affaires et cachai la clé avant de fermer la porte derrière moi. Malgré l'heure matinale, Paris semblait déjà bien réveillé. Des femmes se précipitaient vers les boulangerie tandis que chacun se rendait à son lieu de travail. Après un soupire et les lanternes en main, je me rendis à mon domicile, résignée à rentabiliser ma journée.

Quand les lanternes furent enfin rangées à leur place sur l'appuie de fenêtre, je ne pris que quelques minutes pour prendre quelques pièces ainsi que quelques babioles qui auraient pu m'être utiles tels que ma plume et un encrier. Puis, je repartis presque immédiatement en direction du café de Foy. Je voulais me mettre au courant des dernières nouvelles de la France ainsi qu'acheter les derniers journaux (des pamphlets notamment). Quand j'arrivais devant le café, je laissai passer un régiment de gardes français mais tous ne marchèrent pas en direction d'autres rues à patrouiller. Car contre toute attente, deux d'entre eux s'arrêtèrent devant moi après avoir préalablement discuté entre eux. Quelque peu confuse, je demandai timidement :

- Puis-je vous aider messieurs ?

- Anne-Josèphe Théroigne, je vous arrête pour trouble de l'ordre public.

Le sang s'évapora de mon visage en un instant. Moi, arrêtée ? Et quel trouble de l'ordre public ?! Certes, je n'étais pas un ange mais de là à m'emmener en prison ? J'essayais de gagner du temps, d'obtenir des explications, mais aucun des deux hommes ne daigna me répondre. Ainsi, ce fut de force qu'ils m'emmenèrent à la tristement célèbre prison de la Bastille, sous le regard interrogateur des passants qui faisaient mine de ne pas faire attention à la scène sous peine de m'accompagner au cachot. Pourtant, une témoin s'empressa, aussitôt le spectacle terminé, de crier sur tous les toits ce qui venaient de se produire. Et puisqu'elle était serveuse au café de Foy, elle essayait tant bien que mal de se rendre intéressante auprès des clients en racontant la mésaventure qui venait de m'arriver.

Quelle humiliation ! Pourtant, cet affront me permis de savoir de quoi j'étais accusée plus précisément. D'après les officiers, les forces de l'ordre m'avaient à l’œil depuis quelques temps, de même que tous les révolutionnaires ou trouble-faits potentiels de la capitale, comme s'ils n'avaient que ça à faire. De plus, un aristocrate aurait port plainte pour agression sur sa propre personne. Un de ces nobles irresponsable que nous avions croisé au café était donc un proche des forces de police ? Mais pourquoi avait-il fallut que je nargue un des seuls nobles de ce monde alors qu'il devaient être une dizaine tout au plus à Versailles ? Peut importait, car jamais je ne l'avais agressé, juste taquiné. Disons qu'il lui fallait un prétexte pour me faire porter derrière les barreaux, même si mes tendances politiques avaient déjà fait beaucoup.

Le cachot de la Bastille dans lequel on me conduisit n'était pas aussi pire que ce que je croyais. Après tout, seuls les prisonniers royaux étaient amenés ici, ce qui ne m'empêchait pas de vouloir quitter cet endroit au plus vite. Je ne mis que quelques minutes pour comprendre que je n'arriverais pas à sortir de là sans aide extérieure, et attendis donc patiemment. Les heures passèrent avec une lenteur affligeante, ce qui ne faisait qu'accroître mon énervement. Puis, enfin, après de longues heures d'attentes, j'entendis enfin du bruit dans le couloir. La petite trappe en haut de la porte s'ouvrit sur un garde qui me dit sur un ton nonchalant :

- Votre avocat est arrivé.

Piquée à vif, je sentis monter en moi une colère indescriptible. Qu'on m'assigne un avocat de force, il en était hors de question ! Autant assurer ma défense moi-même, j'aurais plus de chance qu'avec ces jeunes tous droit sortis du collège :

- Je n'ai pas besoin d'avocat ! Je sais me débrouiller seule !

Mais le garde s'éloignait déjà en riant pour avertir mon prétendu avocat qui arriva quelques minutes plus tard. Je regrattai tout de suite mes paroles en voyant bientôt arriver dans la cellule un visage ami, celui de Maximilien. Je me relevai brusquement et affichai un petit sourire. Comment avait-il su ? Il était parti toute la journée et à son retour, me voilà à la Bastille. Je me sentis soudain très stupide et honteuse de ne pas avoir su être à la hauteur de ses espérances. Je savais ce qu'il devait penser alors je dis simplement, comme une enfant que l'on prend la main dans le sac :

- Je te promet que je n'y suis pour rien ... Mais merci d'être venu.

J'avais terriblement honte et j'aurais presque préféré me sortir seule de cet endroit plutôt qu'à devoir affronter le regard de Maximilien. Mais je n'eus pas la force de reculer lorsqu'il s'approcha et me pris par la main. Je me sentis tout de suite rassurée à son contact, mais ne pus le regarder dans les yeux lorsqu'il m'informa de ma situation assez délicate. Cependant, la honte fit place à la colère quand j'entendis ses reproches à mon égard. Il était vrai que j'affirmais parfois trop mes tendances révolutionnaires, mais c'était plus fort que moi. Et dans la société que je souhaiterais bâtir, jamais personne ne se retrouvera emprisonné pour ses idées ou avis politique. J'avais envie d'exposer mon point de vue, mais ce n'était ni le moment, ni l'endroit. Alors, je me contentai de plonger mon regard dans le sien et acquiescer d'un signe de tête.

- Je ne veux pas t'attirer de problème. Il y a d'autres affaires sur lesquelles tu travailles qui pressent plus que mon cas, et je ne souhaite pas que tu perdes ton titre d'avocat par ma faute.

En mon for intérieur, je n'avais qu'une envie : celle de sortir au plus vite de cet endroit. Ils ne pourraient tout de même pas moisir ici le restant de mes jours et je trouverais de toute manière une solution. Mais quitte à laisser quelques plumes dans cette affaire, autant ne pas entraîner mon ami dans ma chute.

- Tu as sûrement raison, je serai plus prudente quant à mes paroles si je sors de là. Mais ... J'ai toujours té comme ça, ne m'en veux pas.

Je l'embrassai tendrement comme pour me faire pardonner, même si je savais qu'il m'en voudrait toujours. Une chose était certaine : le jour où je sortirais de la Bastille, je me ferai une joie de faire regretter amèrement ce geste à celui qui m'y avait envoyé.


[HRP : Pas grave ^^]

Je l'écoutais silencieusement, prenant en compte chacun de ses mots et pensant par la même occasion à mon aptitude lorsque ne sortirais de cet enfer. Cependant, je ne pus m'empêcher d'interagir lorsqu'il me fit savoir que je ne quitterais pas ma cellule par la grande porte mais plutôt en vulgaire évadé. De la part d'un avocat, je m'attendais à quelque chose de plus ... légal. Mais ce n'était pas une raison suffisante pour attendre le procès et pourquoi pas la corde dans le pire de cas.

- Ne ... Sois prudent, et n'agit pas s,il y a le moindre risque que tu te fasses prendre, jure le moi.

J'étais inquiète, même terrorisée à l'idée que mon beau révolutionnaire ne se retrouve à son tour derrière les barreaux par ma faute. Car, au fond, je constituait la seule responsable de ma situation. Je n'approuvais guère cette solution mais il fallait me faire une raison. Était-ce plus risqué de s'enfuir en voleur ou bien de paraître devant un tribunal face à un aristocrate dont la parole valait bien plus que la mienne ? Non vraiment, partir cette nuit constituait la meilleure solution. Je plongeai à nouveau mon regard inquiet dans celui de mon amant avant de lui murmurer :

- A ce soir. Je serai discrète cette fois.